NU
DISPARITION
s'ouvre dans l'obscurité de la nuit pour s'éteindre dans la lumière
naissante
de l'aube.
Ce premier des quatre tableaux donne à voir Tiphaine en séance de prise de vue. On pénètre l'univers minéral des îles du Frioul, au large de la ville de Marseille. L'image et le son sont tantôt brut et instables pendant la marche, tantôt posés et en suspension au moment de la pause. Équipée de son matériel photo,Tiphaine est accompagnée d'une jeune femme aux formes girondes. Toutes deux, distantes et silencieuses, arpentent le sol rocailleux et accidenté du paysage lunaire, écrasées par la lumière droite et aveuglante du soleil à son zénith. Ricanements des mouettes, ressac des vagues, frottements vifs du vent. Dans un mouvement chaotique, les pieds foulent un chemin de pierres à la peau rêche et irrégulière. La roche déchirée cisaille des étendues de ciel, de mer. Des armatures bétonnées jaillissent d'une fosse profonde et se dressent en croix. Les deux silhouettes s'engouffrent dans un vieux boomker et s'enfoncent dans l'obscurité d'un sous sol. Une main effleure les murs écorchés dans lesquelles ont été gravés des signes qui disent la guerre, la passion, le devoir de mémoire, l'oubli. Au fond du ventre de la terre, c'est le noir absolu. Le thème principal du mouvement musical qui accompagne cette scène est d'emblée incisif et mordant. Insistant à la manière d'un signal fatidique, il permet l'irruption immédiate du tragique, nous tirant vers les tréfonds de la terre malgré d'infimes tentatives d'élévation aussitôt évincées par une ombre inquiétante et fascinante. Envahissant, il se renouvèle sans cesse, luttant contre un autre thème, plus doux et nostalgique, pour s'éteindre dans un pianissimo angoissant. De ce mouvement sourd, émerge une impression de malaise.
scène
1.
Préambule
quartettsatz
nuit
/ bistrot
09'
Cette
séquence inaugurale tournée en un seul plan concentre l'essence du
film contenue dans les rapports ambivalents exercés entre pulsion de
vie et de mort. Dans un petit bistrot, la nuit, des corps étourdis
par les effet de l'alcool exultent avec intensité un état
d'abandon. Ils forment une masse fébrile de laquelle émane un
sentiment de profonde solitude. Une
chorégraphie de points lumineux troubles perce l'obscurité. Des
verres en transparence se superposent à des visages tordus par
l'ivresse. Les grands cheveux de Tiphaine, étendus sur une table,
émergent de cette abstraction éthylique. Dans un geste lent et
engourdi, de ses mains elle soulève ces longues boucles qui se
répandent sur ses épaules et découvrent un visage tout en rondeur.
Son regard flottant se perd dans le vide. Le
Quartettsatz
à
quatre cordes de Schubert se fond avec le son ambiant et crée ainsi
un étrange décalage qui veut exprimer le malaise, la confusion et
l'exaltation.
scène
2.
Atmosphère
allegro . mouvement
1er
midi
/ îles du frioul
15'
Ce premier des quatre tableaux donne à voir Tiphaine en séance de prise de vue. On pénètre l'univers minéral des îles du Frioul, au large de la ville de Marseille. L'image et le son sont tantôt brut et instables pendant la marche, tantôt posés et en suspension au moment de la pause. Équipée de son matériel photo,Tiphaine est accompagnée d'une jeune femme aux formes girondes. Toutes deux, distantes et silencieuses, arpentent le sol rocailleux et accidenté du paysage lunaire, écrasées par la lumière droite et aveuglante du soleil à son zénith. Ricanements des mouettes, ressac des vagues, frottements vifs du vent. Dans un mouvement chaotique, les pieds foulent un chemin de pierres à la peau rêche et irrégulière. La roche déchirée cisaille des étendues de ciel, de mer. Des armatures bétonnées jaillissent d'une fosse profonde et se dressent en croix. Les deux silhouettes s'engouffrent dans un vieux boomker et s'enfoncent dans l'obscurité d'un sous sol. Une main effleure les murs écorchés dans lesquelles ont été gravés des signes qui disent la guerre, la passion, le devoir de mémoire, l'oubli. Au fond du ventre de la terre, c'est le noir absolu. Le thème principal du mouvement musical qui accompagne cette scène est d'emblée incisif et mordant. Insistant à la manière d'un signal fatidique, il permet l'irruption immédiate du tragique, nous tirant vers les tréfonds de la terre malgré d'infimes tentatives d'élévation aussitôt évincées par une ombre inquiétante et fascinante. Envahissant, il se renouvèle sans cesse, luttant contre un autre thème, plus doux et nostalgique, pour s'éteindre dans un pianissimo angoissant. De ce mouvement sourd, émerge une impression de malaise.
scène
3.
Abîme
andante
con motto . mouvement
2ème
crépuscule
/ chambre
16'
Ce
deuxième tableau constitue un noeud de tension dans la dramaturgie
du film. Il contient le non-dit, le mystère autour duquel nous
tournons, ce que le film ne dit pas, faisant appel à notre
subjectivité et notre imaginaire. Le
visage mutique
de Tiphaine est renversé en arrière. Les yeux clos et les cheveux
défaits en bataille, elle porte à ses lèvres une cigarette dont la
fumée s'étire en volutes puis se dissipe. Dans ce geste répétitif,
elle s'évade et nous échappe. Par moment, elle ouvre les yeux et
pose un regard insistant qui crève l'écran. On glisse lentement le
long de son corps étendu sur un lit désordonné. Sa chair retient
un secret indicible. Un
rythme obsédant donne son motif à l'andante
dont
les variations témoignent des glissements de rapports qu'entretient
la jeune fille à la mort chez Schubert : d'abord en lutte, elle
finit par s'abandonner dans la douceur de l'anéantissement.
scène
4.
Vibration
scherzo . mouvement
3ème
nuit
/ métro parisien
04'
Dans
ce troisième tableau, on pénètre l'une des photographies réalisées
par Tiphaine. Choisie pour la charge évocatrice qu'elle dégage,
cette image entre en résonance avec la tonalité et l'intention du
film. L'oeil s'enfonce dans l'image avec une extrême lenteur. Entre
immobilité et fixité, il traverse les plans comme des strates, pour
atteindre un point précis qui finit par se noyer dans le flou. Le
son, saisi dans ces mêmes lieux photographiés, fait hors champ à
l'image : aucun élément visuel ne s'y réfère de façon immédiate,
et ceci afin de renforcer un sentiment d'étrangeté. Un
quai de métro accueille des silhouettes figées dans l'attente. Les
sièges sont vides. Un son sourd gronde. Une femme, à l'écart de
tous, est tendue à la verticale sur l'asphalte souillée par les
crachats. Un râle animal s'échappe de son corps. Elle est cette
folie qui fait mal, le miroir de nos peurs, de celles qui pétrifient.
Le thème musical alterne entre tonalités majeures et mineures. Sa
rythmique piétinante, syncopée et trébuchante, agit dans un
mouvement perpétuel au tempo inéluctable.
scène
5.
Vanité
presto . mouvement
4ème
aube
/ chambre
09'
Ce
dernier tableau témoigne du mouvement cyclique du passage de la vie
à la mort. Un
plan fixe saisit une nature morte. L'image,
d'abord obscure, se révèle dans la lumière progressive du jour
naissant. Sur
une commode, trois grenades sont disposées. L'épaisse peau de deux
d'entre elles est fendue, laissant ainsi découvrir la chair
translucide constituée de graines rouge vermeil. En arrière plan,
une fenêtre s'ouvre sur des arbres battus par le vent. D'abord, le
silence. Puis, le presto
s'élève soudain.
Ce
dernier mouvement musical se précipite comme une fuite en avant
irraisonnée. Le rythme martelant et rapide nous entraine dans une
confusion générale qui se rompt brusquement par deux violents
accords, marquant une chute ultime.