T h è m e   e t   V a r i a t i o n s

Le rythme du film évolue selon une progression cyclique, semblant tourner sur elle même, tout en progressant de variations en variations, pareilles à celles qui structurent le quatuor à cordes La Jeune Fille et la Mort de Schubert, adapté spécialement pour NU DISPARITION par le duo basse/batterie formé par David Merlo et Damien Ravnich. Une ligne de tension parcourt le film de bout en bout sans jamais pour autant atteindre l'explosion libératrice proposé par la version originale de cette musique de chambre.

La scène d'ouverture ou préambule est accompagnée par la version le Quartettsatz (9 minutes), morceau inachevé écrit puis abandonné par Schubert après une longue période d'impuissance créatrice. Ce que le compositeur, alors souffrant d'une maladie vénérienne et de mélancolie, considérait comme un échec devait constituer le premier mouvement du quatuor. Puisque l'axe de fond du film est d'interroger le geste créatif, celui du « faire », le film s'ouvre avec cette tentative musicale fragile réalisée dans la souffrance et l'épuisement.

Les durées respectives des quatre mouvements musicaux – allegro (15mn), andante con motto (16mn), scherzo (4mn), presto (9mn) – correspondent à chacun des quatre tableaux du film, succédant à la séquence inaugurale évoquée plus haut, que nous appellerons dans le synopsis : atmosphère, abîme, vibration, vanité.

David Merlo et Damien Ravnich construisent l'adaptation musicale sur des jeux tantôt rythmiques, mélodiques, bruitistes. Ils travaillent une pièce implosive, faite de distorsions, de dissonances et de saturations. Cette version revisitée guide la sous-tend la charge atmosphérique du film. Le lyrisme romantique du lied originel y agit comme une lame de fond et lui donne ainsi une large gamme de tonalités allant des graves les plus sourdes au aigües les plus envolées. À travers une interprétation résultant d'un travail commun mêlant réécriture et improvisation, les deux musiciens s'attachent à revisiter ce quatuor à cordes afin d'en extraire l'essence qui vient soutenir les tonalités contrastées de NU DISPARITION .

La musique est omniprésente tout au long du film mais son intensité est variable. Dans la scène inaugurale, le Quartettsatz se mêle au son ambiant de la fête nocturne pour participer à la sensation de vertige et d'étourdissement.
La séquence suivante concentrée sur le visage de Tiphaine est muette. Ce choix afin de donner un sentiment d'étrangeté et renforcer l'intensité de cet instant quasi statique. C'est dans ce silence et ce regard frontal que le personnage de Tiphaine exprime le plus justement ce qu'il garde secret.
La troisième, scène où nous à des prises de vue, donne primauté au son enregistré dans le même temps que l'image et correspondant à l'action. La musique affleure, se soulève parfois, puis s'efface.
Le quatrième tableau place au premier plan une bande son liée au lieu dans lequel la photographie présente à l'écran a été réalisée. Le grondement sourd du métro accueille les trébuchements syncopés du scherzo.
La scène ultime se referme sur une nature morte baignée dans la lumière de l'aube et donne toute la place au dernier mouvement musical qui n'est autre qu'une précipitation à l'issue fatale.