I m a g e / F l u x   e t   F i x i t é

À travers un traitement de l'image qui s'attache à inscrire des corps dans des territoires de lumière, d'espace et de temps, NU DISPARITION veut interroger notre rapport à la mémoire. Le film propose une expérience temporelle rendue possible par une dialectique entre vidéo et photographie. Le flux vidéo – du latin « video » signifiant « je vois » – résulte d'un phénomène électronique, chaque image étant décomposée en lignes horizontales, chaque ligne étant une succession de points. La photographie, du grec ancien – « photo » pour « lumière, clarté » et « graphie » pour « écrire, dessiner, peindre » – est le fruit d'une réaction physico-chimique, c'est l'empreinte de la lumière sur une surface photosensible. La vidéo, succession d'images défilant à un rythme fixe, donne l'illusion de mouvement. La photographie, elle, nécessite un temps spécifique d'exposition tant pour saisir l'image que pour la révéler et la fixer.

Entièrement tourné avec une vieille camera vidéo, le film offre une image brute et fragile, riche en « bruit » et en matière. Cette image numérique « vivante » en couleur est d'une toute autre nature que l'image argentique utilisée par Tiphaine Popesco pour ses photographies en noir et blanc au piquet précis.

NU DISPARITION joue avec les rapports étroits et contradictoires exercés entre vie et mort, apparition et disparition. L'image video (en mouvement) est saisie dans une telle distension qu'elle est à la limite de la fixité. Les cinq tableaux qui composent le film sont réalisés en plan-séquences de façon à créer une sensation hypnotique, comme un rêve éveillé. L'effet de zoom, ou rapprochement, participe à ce phénomène. Ainsi, l'oeil pénètre l'une des photographies de Tiphaine Popesco dans une progression extrêmement lente jusqu'à atteindre une zone de flou, d'obscurité, un point d'aveuglement.

Le film s'attache à donner toute son expressivité aux variations de lumières à travers des jeux de clair-obscur, de progression, de limites entre pénombre et surexposition. Quant aux couleurs dominantes, elles sont choisies pour leurs charges symboliques. Le noir exprime ici le passé, le néant, la perte, l'abandon; le rouge dit la violence du présent, la passion, le désir, la vie; le blanc c'est l'ailleurs, le vide, l'au-delà, le monde spectral.